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Fêtes de l’Ours en Andorre

En Andorre, une de ces rares fêtes conservées est celle d’Encamp. La version actuelle, écrite dans les années soixante par un certain Rosendo, surnommé Sícoris, à déplacé le rôle essentiel de l’Ours au profit d’un satyre. Nous devons nous intéresser aux témoignages antérieurs à cette récupération, car aujourd’hui cette fête à perdu ce qui faisait auparavant son essence :

            « Dans la petite république d’Andorre, la Mascarade de l’ours forme un épisode complet. Chaque année, le dernier jour de Carnaval, deux individus se mettent en faucheurs ; un troisième, masqué en femme, la quenouille au côté, leur prépare la soupe ; viennent ensuite un quatrième individu, en ours, et un cinquième en chasseur. L’ours jette des pierres aux faucheurs qui vont réveiller le chasseur endormi, afin qu’il les défende ; le chasseur met l’ours en fuite. Survient un autre paysan portant une ruche ; l’ours se jette sur lui, enlève la ruche et se met à manger le miel. Cette fois, le chasseur tue l’animal : de là, grande joie parmi les acteurs de ce drame. Pendant qu’on feint d’écorcher l’ours, les Jucglas jouent de leurs instruments, et la danse des réjouissances commence, en manière d’intermède. »

            Dominique Henry (1835) considère une deuxième partie, où un Cavalier arrive avec sa Dame, mais une échauffourée démarre et la foule leur jette à la tête tout ce qui leur tombe sous la main[1]. A. Van Gennep précise que l’Ours traverse la rivière de la Valira, avant d’être capturé et mis à mort d’un coup de couteau dans la vessie, d’où s’échappe un flot de vin rouge[2]. La compagnie (Chasseurs, Seigneurs, masques masculins et féminins) va alors danser et manger autour du cadavre. Il précise aussi qu’auparavant apparaissait un personnage déguisé en mouton, que l’Ours poursuivait, mais qui était sauvé par le Chef des Chasseurs.

Le masque original, fait avec une vraie tête d’ours, a été retrouvé et est désormais utilisé depuis quelques années.

            Le lendemain de Noël, les enfants d’Ordino effectuaient une chasse à l’Ours[3] exécutée par des petits garçons, le 26 décembre ou à Carnaval[4]. « On fait le simulacre de saigner un homme déguisé en ours. Les gens recueillent le sang (du vin) dans un chaudron et tous s’empressent d’en boire »[5]. Perdue, cette fête fut récupérée en 1985. Aux Escaldes, l’Ours vêtu d’un costume de paille était abattu et porté triomphalement en charrette à travers le village, avant d’être jeté au feu. Il y a quelques années un Seigneur en chapeau pointu et sa Dame – un travesti – en jupons brodés menaient l’action[6]. Arnold Van Gennep est plus précis au moment de nous parler des Escaldes, mais ne cite pas ses sources. L’Ours est pourchassé (à une date non précisée) avant d’être fusillé et promené autour de la place sur un char et jeté dans le brasier ; mais dès qu’il sent les premières brûlures, il saute en l’air et se sauve « car, comme tous ses frères (cérémoniels), il doit ressusciter ». Cette fête se perdit dans les années trente[7]. L’Ours de paille n’est pas rare, et se retrouve même à Parbón (Ourense, Galice), encordé par son Domador[8] ou à Whittlesea (Angleterre) où le Straw-Bear capturé apparait pour l’Épiphanie[9]. Non loin de là, c’est le 1er janvier (bien que selon Joan Amades, c’était pour la Chandeleur[10]) que l’Ours apparaissait à Andorra la Vella, capitale de cette Principauté, lui aussi habillé de paille[11].          

            Signalons un particularisme linguistique du catalan andorran. Dans ce pays, cet animal est toujours appelé l’Óssa, au féminin. Que ce soit un mâle ou une femelle. Il n’y a aucune distinction de genre. Il ne faut donc par faire l’erreur de penser que c’est une Ourse qui apparait pour ces mascarades. Cette dénomination féminine perdura aussi dans les localités limitrophes de ce pays, comme nous le verrons pour la Seu d’Urgell.

Bibliographie

ALFORD Violet

1930 : The Springtime Bear in the Pyrenees, Folklore, vol. 41, n°3, p. 266-279.

1931 : The Candlemas Bear, The National Review, p. 240-244.

1937 : Pyrenean Festivals, Londres, Chatto and Windus.

2004 : Fêtes pyrénéennes, Portet-sur-Garonne, Editions Loubatières.

AMADES Joan

1985Costumari Català, Barcelona, Salvat Editores. 5 Vol.

GONZÁLEZ Oscar Julián.

2014 : Mascaradas de la península Ibérica.

HENRI Dominique Marie Joseph

1835b : Le Carnaval et ses usages sur quelques points des Pyrénées, Musée du Midi, p. 61-63.

DE MARLIAVE Olivier

2008 : Histoire de l’ours dans les Pyrénées, de la préhistoire à la réintroduction, Bordeaux, Editions Sud-Ouest.

PERRAMIN I ZAPATERO Francesc

1993 : El ball de l’óssa d’Encamp a Andorra, Andorra, Institut d’Estudis Andorrans

VAN GENNEP Arnold

1947 : Manuel de Folklore Français Contemporain, Tome Premier, III, Paris, Editions A. et J. Picard et Cie.


[1] Henry D. M. J., 1835, p. 63.

[2] Van Gennep Arnold, 1947, p. 914.

[3] Ibid., p. 914.

[4] Ibid., p. 914.

[5] Joseph Vézian, Carnets ariégeois, p. 162, Bordeaux, Éditions Sud-Ouest, 2000, dans De Marliave Olivier, 2008, p. 230.

[6] Alford Violet, 2004, p. 81.

[7] Perramon i Zapatero Francesc, 1993, p. 16.

[8] Julian Gonzalez Oscar, 2014, p. 208.

[9] Frazer James Georges, 1909, p. 202-203.

[10] Amades Joan, 1985, vol. I, p. 679.

[11] Van Gennep Arnold, 1947, p. 914.